Accueil > Français > La Une > Majoritaire, soit. Hégémonique, basta !

Majoritaire, soit. Hégémonique, basta !

vendredi 1er août 2008

Sans surprise, le congrès du RCD a vu la confirmation de la candidature de son Président à un cinquième mandat à la tête de l’Etat. Sans surprise, ce congrès répète à l’envi son discours inégalable et inimitable, fait de triomphalisme et d’autosatisfaction.

Pas de scoop, donc. Et pas, non plus de nouveauté dans l’approche et la tonalité, pour un parti qui aime pourtant à se présenter comme le champion du « changement » !

Certes, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un parti de gouvernement qui se met en ordre de bataille pour consolider son pouvoir à l’occasion des prochaines élections présidentielles et législatives le fasse dans l’enthousiasme en soulignant les points positifs de son bilan. Mais que ce bilan soit présenté encore une fois sous cette forme d’absolue perfection sans l’ombre d’un début de commencement de lucidité, voilà qui montre à quel degré d’autisme l’exercice solitaire et hégémonique du pouvoir peut conduire un parti sûr de lui et dominateur, incapable de se concevoir simplement comme « le parti de la majorité ». La conviction où il se complaît qu’ « il est le Peuple et que le Peuple c’est lui » l’amène à refuser de tolérer que le moindre empan du territoire, le plus petit groupe social, puisse se reconnaître en d’autres que lui. De là le pluralisme proclamé plus que pratiqué et l’ingéniosité mise à inventer un système électoral inimaginable ailleurs, avec des candidats aux présidentielles censés devoir se contenter d’un rôle de figurants, des législatives à deux filières dont une est réservés au « rachat » des recalés de l’autre, celle du meilleur des partis dans le meilleur des mondes. C’est parce que ce parti s’est tellement persuadé pendant des décennies qu’il était et serait éternellement non seulement le parti-Etat mais aussi le parti-Nation, qu’il en est venu à s’enfermer dans une logique confortable en apparence, mais tout à fait contre-productive et pour son propre avenir, et pour celui du pays.

Pourtant, les leçons de l’Histoire récente de bien des régimes sont là qui devraient rappeler à tout homme politique de bon sens qu’un pouvoir fondé sur ce genre d’auto-persuasion finit par oublier que le seul garant de sa pérennité est le renouvellement librement consenti de la confiance de la majorité et, tôt ou tard, expose sa stabilité et celle de l’Etat aux pires mésaventures…

En fait, les choses sont simples : s’il est vrai, comme cela est affirmé à cor et à cri, que le bilan du RCD et son programme politique, économique et social sont aussi insurpassables, ce parti n’a rien à craindre d’élections libres, transparentes et crédibles, ni d’une réforme dans ce sens d’un code électoral arriéré conçu pour rendre impossible toute compétition véritable. Il a, au contraire, tout à gagner en termes de légitimité et de stabilité pour lui-même et pour la vie politique nationale.

Alors, mesdames et messieurs du RCD, ayez au moins l’obligeance d’accepter que les autres partis nationaux puissent présenter des candidats qui ne sont pas moins respectables que les vôtres, avoir des programmes qui ne sont pas moins sérieux que le vôtre, briguer avec les mêmes droits que vous les suffrages des citoyens et être représentés, en proportion de leur influence véritable, au sein des institutions nationales.

Quant à nous, nous sommes convaincus qu’une entente sur des règles du jeu politique est possible pour peu qu’il y ait une volonté politique sérieuse de passer enfin du modèle de l’autoritarisme à celui de la gouvernance basée sur le respect du principe de l’alternance démocratique entre majorité et opposition. Une telle volonté une fois sincèrement affirmée, un dialogue national permanent, serein et responsable pourra s’instaurer loin de tout hégémonisme et de toute démagogie, dans le cadre d’une émulation positive pour le bien immédiat et futur de notre pays et de notre peuple.

Ahmed BRAHIM