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CNAM : La réforme de l’Assurance-maladie est-elle mal partie ?

mardi 3 juin 2008

Les informations communiquées àla presse, par des sources informées proches de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) sur la répartition des assurés sociaux entre les différentes filières de soins fait état d’une « ruée  » vers le secteur public, qui draine àlui seul 75% des affiliés. Si l’on ajoute àce chiffre le nombre de citoyens qui ne bénéficient d’aucune couverture sociale -10% de la population selon les statistiques officielles- qui seront, par conséquent, pris en charge par la même filière, le pourcentage s’élève à80% environ de la population. Les 20% restants auront choisi soit la filière privée « parcours coordonné de soins  », soit celle de « remboursement  », ce qui leur confère, également, le droit de se soigner dans les structures publiques !

Les sources citées ne précisent pas si le pourcentage indiqué plus haut concerne tous les assurés sociaux, ou seulement ceux parmi eux qui auraient fixé leur choix avant la date butoir du 30/04/2008, auquel cas il conviendrait d’y ajouter tous ceux qui ne se sont pas exprimés, puisqu’ils devraient être versés d’office dans cette filière comme le prévoit la réglementation arrêtée par la CNAM.*

[rouge]Le « flou artistique  » a bien fonctionné ![/rouge]

Le comportement de l’affilié social a été, indubitablement, influencé par l’attitude volontairement ambiguë , voire opaque de la Caisse, relative au plafond de la prise en charge/remboursement des frais de soins des maladies courantes dans la filière privée et celle dite « de remboursement  », lequel plafond constitue un critère principal pouvant amener àopter pour telle ou telle autre filière de soins. Ce plafond qui aurait dà» être fixé et porté àla connaissance du public bien avant les délais prévus pour le choix des filières, demeure inconnu jusqu’àce jour, ce qui constitue en soi une anomalie tout àfait injustifiée. En outre bon nombre d’affiliés sociaux - principalement ceux appartenant aux grosses entreprises (banques, sociétés nationales, offices publics…) - et bénéficiant d’une assurance-groupe, ou étant adhérents àune mutuelle, ce qui leur garantit une couverture quasi-totale du risque sanitaire moyennant des cotisations supplémentaires supportées conjointement par eux-mêmes et leurs employeurs- n’arrivent pas àsaisir l’utilité du choix qui leur est proposé d’une filière de soins, craignant ainsi la perte des avantages importants dont ils disposent actuellement. Le plafond de la prise en charge / remboursement pourrait, maintenant, être calculé sur la base de cette répartition des assurés entre les différentes filières.
Les stratèges de la CNAM, qui tablent prioritairement sur la maîtrise comptable des coà»ts du nouveau système de l’assurance maladie, devraient être aujourd’hui en meilleure position pour fixer ce plafond. Son montant sera d’autant plus élevé que le nombre d’affiliés ayant choisi la filière privée est plus réduit. Mais l’inconvénient de cette démarche est que la CNAM pourrait être tentée de garder inchangé ce plafond, tant que la cotisation sera maintenue àson taux actuel de 6,75%, ce qui entraînerait, àson tour, l’intérêt pour la caisse de maintenir figées les mêmes proportions de répartition des affiliés par rapport aux trois filières de soins et de rendre, par là- même, problématique tout mouvement important de changement de filière, pourtant reconnu aux assurés sociaux, au bout d’une année de leur premier choix.
A qui profitera la réforme ?

Mais si la CNAM a réussi àcanaliser les choix vers la filière publique, théoriquement la moins coà»teuse, il n’en reste pas moins que cette situation pose de gros problèmes, d’ordre pratique surtout :

- 1- Le secteur public, appelé àsupporter la lourde charge de fournir des soins àl’écrasante majorité de nos concitoyens, est confirmé dans son statut de principal secteur de la santé dans le pays. Mais a- t-il les moyens de s’acquitter honorablement de cette tâche, alors même qu’il peine àassurer le « SMIG  » des services pour ses « clients  » actuels ? Rien n’est moins sà»r, et c’est un lieu commun que de le répéter. L’UGTT a même fait de sa mise àniveau un préalable àson accord sur l’application de la nouvelle réforme, et ce, avant même la promulgation de la loi du 2 Aoà»t 2004 qui l’a instituée.

Les démarches velléitaires entreprises dans ce sens par le ministère de la santé publique sous la pression des syndicats des professionnels de la santé battent de l’aile et n’ont pu déboucher jusqu’àce jour sur l’élaboration d’un programme concret, pour ainsi dire « prêt àl’emploi  », ni sur l’adoption d’un calendrier de sa mise en Å“uvre, ni encore sur l’identification des sources de son financement !

Il devient clair, dans ces conditions, que l’amélioration de la qualité des soins dans le secteur reste un vœu pieux et même un leurre qu’il faut bien se garder de faire miroiter aux yeux des assurés sociaux,

- 2- L’ouverture tant annoncée au secteur privé profiterait, en particulier, aux cliniques privées et aux spécialistes de haut niveau ; son retentissement sur les activités de l’écrasante majorité des médecins généralistes, des dentistes, et d’autres prestataires de services de santé de libre pratique, serait forcement très limité, pour ne pas dire insignifiant.

Et si l’on se rappelle qu’aussi bien l’amélioration de la qualité des soins que l’ouverture au secteur privé de la santé constituent deux objectifs primordiaux annoncés par le projet de réforme, on est en droit de se demander si, au regard des conditions de son démarrage, cette reforme n’est pas mal partie.

Abdelaziz Messaoudi


* Seul l’hebdomadaire « El ousbouï  » du 19/05/2008, se référant aux dernières données recueillies auprès de la CNAM, relève que seulement 50% des assurés sociaux ont répondu dans les délais àl’appel d’inscription àl’une de trois filières proposées, dont 12% auraient choisi la filière publique, ce qui porterait à62% la part relative de cette filière.