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[rouge]Mahmoud Ben Romdhane : L’enjeu du 24 juillet est aussi, et surtout, économique ![/rouge]

vendredi 13 mai 2011

Ceux qui se sont déplacés au local d’Ettajdid pour assister à la conférence – débat de M. Mahmoud Ben Romdhane : La Révolution tunisienne entre promesses inouïes et contexte difficile, ne l’ont sûrement pas regretté. Car, après s’être fait politiciens, juristes et constitutionnalistes, les Tunisiens se rendent compte qu’en cette phase délicate de leur transition démocratique, ils doivent aussi se préoccuper un peu d’économie et saisir, à la fois, les défis que la Révolution somme l’économie tunisienne de relever à court terme et les perspectives qu’elle lui dessine à moyen et long terme.

Et ce sont justement ces deux points que le conférencier a développés dans le détail, en livrant à l’assistance toutes les données disponibles sur l’évolution économique actuelle, leur analyse et une projection dans le post 24 juillet selon deux scénarios possibles, tout en prenant le soin de rappeler, au début de son intervention, les dangers qu’encourt toute révolution.

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Les risques de toute révolution
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Pour Mahmoud Ben Romdhane, le premier problème qu’une révolution à affronter, c’est celui de son institutionnalisation - ce processus n’allant pas de soi, car il est tout le temps soumis aux tensions déstabilisatrices de la surenchère révolutionnaire et qu’il voit la confrontation de la légitimité révolutionnaire à la légitimité constitutionnelle. Le deuxième problème qu’elle doit résoudre, c’est de voir s’entendre tous les acteurs politiques sur de nouvelles règles du jeu – les trois quarts du chemin ont été réalisés à ce niveau. Reste un troisième problème, tout aussi, sinon encore plus, délicat, celui des difficultés économiques par lesquelles doit nécessairement passer la révolution, qui est fondamentalement, pour reprendre une expression chère à Joseph Schumpeter, un processus de destruction créatrice.

La révolution est, en effet, appelée à faire face, dans le même temps, à un ralentissement, voire l’arrêt, de l’appareil de production dus à l’instabilité et l’insécurité générées par l’effondrement de l’Etat et une explosion inédite des revendication sociales, longtemps refoulées sous le système autoritaire. Et c’est précisément ce processus par lequel passe la Tunisie actuellement.

Or, si les difficultés durent, le risque est gros que les citoyens se disent « c’était mieux avant », ce qui prélude de l’échec de la révolution et prépare la voix à la Restauration ! Le risque d’un échec économique de la Révolution n’est donc pas à sous-estimer, d’autant qu’en plus des problèmes internes, notre pays doit faire face à un contexte régional et une conjoncture mondiale particulièrement défavorables.

[bleu marine]Un contexte économique délicat…[/bleu marine]

En effet, le coût total des destructions, de l’arrêt ou de la fermeture d’usines et des grèves ayant affecté la production et l’exportation de matières telles que le phosphate et le pétrole, est d’environ 1 milliard de Dinars. De même, l’instabilité et l’insécurité actuelles, conjuguées à la guerre chez notre voisin libyen, ont sensiblement touché un secteur particulièrement important en termes d’emplois (400.000 entre emplois directs et indirects) et de rentrées de devises : le tourisme. Celui-ci a vu une baisse des rentrées d’environ de 60%. De même, tout en privant la Tunisie de l’afflux des 1.400.000 touristes libyens annuels, la guerre qui fait rage entre les révolutionnaires et les fidèles à Kadhafi met un coup d’arrêt aux échanges tuniso-libyens et a déterminé le retour au pays de 35.000 travailleurs tunisiens qui réclament légitimement à l’Etat tunisien des aides.

A ceci, souligne le conférencier, il faut ajouter une conjoncture mondiale plutôt défavorable avec, notamment, l’envolée des cours mondiaux des produits pétroliers et des produits alimentaires dont les prix sont subventionnés par l’Etat. Dans une situation normale, celui-ci pourrait se permettre de répercuter une partie de ces augmentations sur les prix domestiques de ces produits, mais avec les problèmes de légitimité qui sont actuellement les siens, il n’a d’autre choix que de subventionner totalement ces hausses de prix. Cet effort non prévu va coûter au budget de l’Etat la dépense d’un milliard de dinars supplémentaire, qui surgit au moment où ses rentrées fiscales baisseront de 600 millions de dinars !

Par ailleurs, et sur le front de l’emploi, la situation risque de se détériorer sensiblement d’ici le mois de juillet. En effet, aux 520.000 chômeurs (dont 160.000 diplômés du supérieur) de départ, vont probablement s’ajouter les 80.000 emplois perdus à cause du ralentissement de l’appareil de production, les 80.000 diplômés de l’année universitaire 2010-2011 qui vont débarquer sur le marché de l’emploi et les 35.000 travailleurs rentrés de Libye. Ce qui fait qu’au mois de juillet, on risque d’atteindre le chiffre dramatique d’environ 700.000 chômeurs !

Dans ce tableau sombre, une petite lumière, toutefois : la pluie a voté pour la révolution ! On s’attend, en effet, à une croissance de la production agricole de l’ordre de 6%, qui équivalent à presque un point de croissance au niveau du PIB. Il n’en demeure pas moins, nous rappelle le conférencier, qu’une aide financière extérieure va s’avérer nécessaire pour passer ce cap difficile et pour le succès de la révolution tunisienne. Le prêt d’1 milliard de dollars que viennent d’accorder à la Tunisie la BAD et la Banque Mondiale est, de ce point de vue, une bouffée d’oxygène pour l’économie tunisienne.

[bleu marine]… et un avenir rose, si…[/bleu marine]

Si l’économie tunisienne arrive à franchir avec succès cette phase délicate qu’affronte toute révolution, tout indique que son avenir sera rose. Car la croissance économique sous l’ancien régime était bridée par la corruption et la mauvaise gouvernance, par un pouvoir prédateur et insatiable, dont les dérives ont sensiblement affecté le climat des affaires et, partant, le taux d’investissement national privé qui a chuté vers des niveaux anormalement bas.

De ce point de vue, la transition démocratique ne peut qu’être bénéfique à la croissance économique, en donnant libre cours à toutes les potentialités bridées. Mais, pour M. Ben Romdhane, cette perspective dépend clairement du vote du 24 juillet, dont la portée sera décisive pour l’économie d’un petit pays sans ressources naturelles, condamné à l’ouverture sur le monde. Car, affirme-t-il, si le choix des Tunisiens se portait sur les tenants du discours du repli identitaire, de la fermeture sur soi et de l’autarcie, les conséquences économiques seraient proprement désastreuses pour un pays dont 40% de la population vit de ses échanges avec l’extérieur.

Si, au contraire, le choix des Tunisiens est celui de la modernité, de la démocratie et de l’ouverture, alors notre économie pourra tirer un profit maximal de la qualification et de la créativité de nos concitoyens, de la sympathie du monde entier et de l’exemplarité de notre transition démocratique… Alors, aidons notre révolution à tenir toutes ses promesses et votons, le 24 juillet pour la modernité et l’ouverture !